La vie t'en as qu'une, film de Denis Guedj, Jean-Pierre Pétard et Abraham Ségal, 1978

Retranscription de la séquence d'introduction (env. 3mn40s)

(A l'image, alternent des archives de manifestations montrant de jeunes manifestants joyeux et un couple qui se caresse filmé en gros plan.)

"Cette fois là j'ai fais l'amour avec des milliers de filles, avec des milliers de garçons qui étaient là. A chacun j'pouvais dire : "Tu jouis et ça me concerne. J'ai joui de ta jouissance."
Je sentais mon corps à moi. Ce n'était pas la fusion mais pour la première fois, je ne me suis plus sentie discontinue. Pour la première fois j'ai senti que j'avais un lien... social avec les autres.
Après, j'ai cherché à retrouver ça. C'était evident je me suis cassé la gueule. L'erreur c'était de vouloir rejouir comme la première fois. Mais ça a laissé une marque dans moi, qui travaille.
L'impression que j'ai eu c'était : "Merde, comme ils sont beaux. Moi aussi."
Et puis je ne restais pas toujours à la même place. A certains moments, à certains endroits, c'était une excitation intense, physique, profonde. On courrait enlacés, souls, conscients. Et puis ailleurs, on était essouflés, épuisés, apaisés.
Et brusquement - il devait être sept heures - y s'est mis à pleuvoir, brutalement, comme un coup. Y'a presque eu un silence. Et alors que d'habitude, la pluie ça m'fait rentrer les épaules, là au contraire, on s'est tous ouverts, et j'sais pas c'qui c'est passé, on est tous devenus fous. On était mouillés jusqu'aux os, on s'est mis à chanter, à courir.
Et puis un type à cote de moi s'est mis à chanter : "Albert Simon trahison, météo nationale, météo du capital. Albert Simon trahison, météo nationale, météo du capital."

De sa place, être dans un coin de la société. Caresser ce coin. Le caresser encore et le faire jouir. Faire lâcher ses résistances. Faire lâcher mes résistances. Prendre une partie du corps de l'autre et la cultiver. Distendre les rapports sociaux. Les dissoudre. En créer d'autres. Créer une autre réalité. Changer le temps."

Aperçu du contenu du film

Introduction : faire la révolution c'est jouir collectivement. Voyage avec un âne. Les problèmes psychologiques des poules élévées en batterie (comme métaphores de la vie aliénée). La torture par isolement sensoriel. Les grands ensembles. Sur la quai du métro, un instant de vie : un homme chante. Du métro à l'usine. Le travail aliéné dans les bureaux, le piège des relations sociales au sein du bureau, le machisme. Agit-prop : les marchands de temps : choisir son destin. Un cadre mis au chomage réalise son aliénation (il pensait : "mon entreprise". maintenant il dira : "l'entreprise qui m'emploi"). Les jeunes manifestent : ils veulent du travail ! Le piège de l'intégration au travail par les syndicats communistes, la seule façon de "vivre un peu" : organiser le sabotage. Fabrication artisanale de miel dans une centrale nucléaire. Le bonheur par la consommation. Un publicitaire se justifie. La propagande militariste dans un magazine pour enfants (Spirou). Une mère prend la place de son fils pour passer les tests militaires. Réfractaire au service militaire. Cours de résistance au patron pour agents de nettoyage. A l'usine : elles se sont mises à chanter : vaincre la peur du contremaître. Un patron paternaliste vante le travail de ses ouvrières (fabrique de pinceaux). Conclusion : l'instinct de classe. Les marchands de temps : on brade.

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