Quelques éléments pour une réflexion de fond sur les enjeux écologistes
dans notre société.
En effet au delà des problématiques environnementales immédiates nous nous
intéressons aux causes, aux fondements de notre système économique et social
qui se nourrit de l'exploitation de l'homme et de la nature. Cette compréhension parait indispensable à qui veut lutter contre
cette dynamique et ne pas en répéter les comportements.
Pour la première fois de son histoire l'humanité fait face à l'épuisement
prévisible des ressources naturelles de la planète.
C'est l'exploitation de ces ressources qui a permis la croissance démographique
et le développement industriel. Or au fur et à mesure de cette croissance, la
plupart des sociétés humaines ont évolué d'un mode d'exploitation permettant
le renouvellement naturel de la ressource (chasse-cueillette et agriculture itinérante
avec une faible densité de population) vers des modes d'exploitation
destructeurs (déforestation, destruction du gibier, épuisement et pollution
des sols, pollution des eaux, consommation de sources d'énergies non
renouvelables...) Le développement a entraîné au XXème siècle
une croissance exponentielle de la consommation aboutissant à la situation présente.
Dans un premier temps la disparition progressive des ressources a été compensée
par des solutions technologiques : intensification des cultures et de l'élevage,
amendement des sols, mobilisation de nouvelles sources d'énergies. Toutefois
les "solutions" ont à leur tour contribué à dégrader un peu plus l'état de
la planète (pollutions, déchets toxiques...) entraînant des conséquences
sanitaires massives pour les populations.
Plus que de choix politique délibérés, cette évolution a été le fruit
des avancées technologiques qui ont été mises en oeuvre sans réflexion sur
leurs conséquences.
Cette situation ne peut être mise ni sur le compte d'un déficit de capacité
intellectuelle (comme le montre le développement des techniques) ni sur le
compte d'un manque de ressources (comme en témoigne dans le monde occidental le
haut degré de gaspillage et de consommation d'objets superflus). Force est donc
de constater que c'est sur le plan psychique qu'il faut rechercher les causes de
la situation actuelle.
L'évolution de la vie sur terre est arrivée à un stade où elle a acquis la capacité
technologique de s'autodétruire mais cette évolution semble s'être accompagnée,
chez l'animal humain, d'une évolution inverse de la maturité psychologique,
ce qui ne lui permet pas de mettre un terme à ces processus d'autodestruction.
Aujourd'hui bien que la situation vis-à-vis de l'épuisement des ressources
et de leur répartition inégalitaire soit clairement identifiée, les classes
dirigeantes n'ont rien d'autre à proposer que ce qui a déjà été mis en
oeuvre précédemment : une foi aveugle dans la capacité de la technologie à résoudre
les problèmes créés par... la technologie. C'est bien une fuite en avant à
laquelle nous assistons : "toujours plus de la même chose", une philosophie de
l'échec.
La surenchère consommatrice (4x4,...) à laquelle on assiste actuellement en
occident ne fait-elle pas penser aux ultimes orgies d'un monde en train de
sombrer ?
Ces attitudes ne nous promettent qu'un raidissement totalitaire au fur et à
mesure de la dégradation des conditions économiques et environnementales. Or
le totalitarisme par sa nature même ne permet pas l'émergence de nouvelles façons
de penser : c'est une voie qui conduit à l'impasse.
Seul un changement de paradigme peut permettre à l'humanité d'éviter les
scénarios catastrophes qu'imaginent les auteurs de science-fiction. Or
l'identification de la majorité des individus avec les intérêts de la classe
dirigeante, l'adoption de son mode de pensée même montre un degré d'emprise
mentale considérable qui en soit pose la question incontournable de la
servitude volontaire.
Il nous faut expliciter les mécanismes psychiques qui sont à l'oeuvre dans ce
processus et explorer les voies possibles vers une émancipation de l'individu
qui le rende apte à construire une société viable sur les bases de la coopération
et de la liberté et qui ne soit pas fondée sur les rapports de domination et
d'exploitation (de la nature comme des hommes) qui nous ont conduit à la
situation actuelle.
De solides bases dans ce domaine ont été jetées par les penseurs
Freudo-Marxistes, notamment Reich qui a montré le rôle que jouait la répression
de la sexualité dans la fragilisation mentale des individus ou Marcuse qui a
montré le rôle joué par cette même répression dans l'exploitation et la
soumission au travail aliénant.
Le comportement prédateur à l'égard de l'environnement naturel sur lequel
s'est fondé le développement de la société occidentale témoigne du fait que
les hommes ont cru pouvoir s'émanciper sans dommage de la nature. Cette évolution
s'est d'abord faite dans les esprits et à conduit les humains à s'imaginer
comme des êtres singuliers dans la création, dans une position de supériorité
les autorisant à "se servir" sans état d'âmes dans leur environnement. Ces
conceptions que l'on peut faire remonter au moins à Platon et aux chrétiens
qui s'en inspirèrent ont aussi déterminé la conception schizophrène de
l'humain divisé entre son âme de nature "divine" et son corps "grossier". Cela
se traduit également par la pré-éminence et la survalorisation des activités
intellectuelles (sublimées) par rapports aux activités sensuelles et
sexuelles. Nous trouvons ici des justifications communes entre répression des
"bas instincts" et exploitation destructrice de la nature.
Même aujourd'hui où le corps s'affiche de façon omniprésente (du fait d'une
récupération marchande), les tendances à l'artificialisation et l'aseptisation
de celui-ci sont bien symptomatiques du rejet de la nature.
Toutefois ce constat ne s'applique qu'aux sociétés issues des grandes
religions monothéistes. Si leur modèle s'est répandu sur quasiment tous les
continents, il subsiste encore dans les lieux les plus inaccessibles des sociétés
indigènes ("traditionnelles") pratiquant encore les cultes chamaniques, ayant
elles un rapport très étroit (consubstantiel) avec la nature.
Bien que les formes d'organisation sociales y soient très variées, elles
restent fortement communautaires. Là où elles subsistent ces sociétés ont réussi
à préserver leur espace environnant afin de pouvoir en vivre. C'est la
destruction de ces espaces par les colons prédateurs qui met aujourd'hui en péril
ces sociétés.
Si leur mode de subsistance ne saurait être transposé à d'autres sociétés,
notamment en raison de la pression démographique, bien des éléments de leur
vision du monde et de leur connaissance de celui-ci, peuvent enrichir et
alimenter l'évolution nécessaire des conceptions occidentales.
La science occidentale s'est orientée depuis des siècles dans une démarche
analytique qui lui a permis de découvrir et de maîtriser finement les
processus de la matière et la génétique.
Elle s'est par contre longtemps désintéressée des processus vivants pris dans
leur globalité et notamment des aspects énergétiques, psychiques et
psychosomatiques. La psychanalyse qui explore l'inconscient depuis une centaine
d'année semble encore une discipline balbutiante. L'écologie est une
discipline encore plus récente.
L'écologie est l'étude des systèmes naturels appréhendés dans leur
fonctionnement global et dans leurs interactions les uns avec les autres. La
psychanalyse aborde l'individu dans sa globalité, corps et psychisme confondus.
La psychanalyse politique étend cette étude au "corps social".
L'étude des interactions énergétiques entre organismes vivants (ou milieux
non vivants) fait partie de l'écologie. La psychanalyse (selon Freud et Reich)
comme les philosophies de l'extrême-orient ont introduit la notion d'énergie
vitale universelle, que l'on retrouve dans l'être humain sous forme d'énergie
sexuelle. Ceci permet de mettre l'accent sur la continuité et
l'interdépendance entre l'être humain et les autres systèmes vivants ou non
vivants.
En éclairant le rapport des individus et de la société avec la nature, en explicitant les liens entre sexualité, comportements irrationnels et exploitation, en réinsérant l'homme dans son milieu par le biais de l'énergie vitale universelle, la psychanalyse politique s'avère un outil précieux pour permettre à l'écologie politique de transformer efficacement la société.
Note : ce texte à été publié dans la Newsletter Hermétisme2006 de juin 2005.
Ce texte est complété par une réflexion autour de la notion de décroissance.
A lire aussi : le développement durable c'est le problème, pas la solution, par Thierry Sallantin.