Comment la loi X a introduit une scission entre cinéma castré et cinéma porno et ce qui en découle.
L'éducation sexuelle n'est pas assurée par l'école et rarement dans les
familles, résultat : elle se fait par la pornographie : un
conditionnement des fantasmes.
Mais surtout le problème, c'est qu'il y a une scission, une coupure entre d'une part des films ordinaires dans lesquels les scènes de sexe sont toujours
châtrées et d'autre part des films classés X où on ne voit que des organes en action sans le reste (la vie, l'amour...).
C'est cette séparation qui est en elle-même la plus néfaste pour notamment les jeunes, qui
à défaut d'une éducation sexuelle digne de se nom,
s'"éduquent" par la pornographie.
Or cette séparation n'est pas un hasard ; elle est le résultat, en France, de
la loi "X" (loi
75-1278 du 31 décembre 1975 articles 11 & 12) qui a mortellement taxé
les films où apparaissent des organes génitaux en état de fonctionnement (une
simple érection classifie le film dans la catégorie X).
La loi "X" a tué dans l'oeuf toute velléité de faire des films ordinaires (et
donc aussi des films de qualité) qui montrent la sexualité. D'une pornographie
qui pouvait au départ avoir des accents libertaires et subversifs nous sommes
très vite passés à une pornographie fascisante, marchande (dont les énormes
profits vont aux mafias qui la contrôlent pour l'essentiel - et à l'Etat
via les taxes).
Après plus de 30 ans cette loi n'a jamais été révisée : ceci résulte d'un choix politique.
Le puritanisme consiste à penser qu'il n'y a de sexualité que pornographique. Et c'est justement le point de vue de cette loi ; loi qui par son application construit la réalité qui permet de justifier cette conception morale répressive. En effet d'une part elle classe dans la catégorie pornographie toute représentation explicite de la sexualité et d'autre part, par le biais de la censure économique, elle détruit toute possibilité d'expression autre que la pornographie marchande.
La pornographie, gardienne de l'ordre social répressif
La pornographie dominante est un outil de la reproduction idéologique
car elle donne l'illusion que notre société est sexuellement libérée,
qu'il n'y a plus de tabou en matière de sexualité. Elle masque la
répression sexuelle réelle (et la misère sexuelle qui en découle) et
donc, ne la percevant plus consciemment, les gens ne peuvent s'y opposer.
Par exemple il règne dans notre société les plus grands tabous en ce
qui concerne les rapports des enfants avec la sexualité.
Voir aussi dans les F.A.Q. "la
révolution sexuelle n'a-t-elle pas déjà eu lieu ?"
La pornographie, enterrement de la sexualité
La pornographie dominante montre des sexes "débarrassés" de toute
sensualité, de tout désir, sans amour et sans plaisir. Les corps exposés sont
des objets manipulés, écartelés, morcelés, démontés. La pornographie est une
forme particulièrement aboutie du spectacle de la marchandise (au sens de Guy
Debord) ; elle est parfaitement en phase avec les images médiatiques produites
par notre société. Le porno montre pour mieux masquer, l'image pornographique
rend aveugle à la sexualité.
La pornographie dominante est un spectacle morbide, s'opposant totalement à
la sexualité qui est pulsion de vie.
Notre analyse vaut indépendamment des dérives ultra-violentes de la pornographie contemporaine. (Sur ce sujet voir par exemple la présentation d'une émission sur le site de France Culture.)
Notre critique de la pornographie est aux antipodes de celle qu'en font les pudibonds qui eux rejettent en fait la sexualité (ou l'idéalisent de façon mystique ce qui revient au-même).
La pornographie, formatage du désir sexuel
Dans un sujet du forum des Chiennes de garde, il était question d'une conférence en 2006 sur la "porno-guerre", c'est-à-dire la pornographie dans tout ce qu'elle a de plus salissant et avilissant pour les femmes. Extrait :
"Michela Marzano a quant à elle parlé de la normalisation des pratiques sexuelles opérée par la pornographie qui formate les fantasmes de tout un chacun-e alors que les fantasmes sont des productions extrêmement personnelles qui dépendent de l’histoire de chacun-e. La collectivisation et l’uniformisation des fantasmes créées par la pornographie empêchent justement la subjectivité de chacun-e.
Elle a donc expliqué pourquoi selon elle la pornographie n’était pas la liberté et était même contraire à cette dernière puisqu’elle enfermait chacun-e dans des normes sexuelles à respecter obligatoirement pour être soi-disant une VRAIE femme ou un VRAI mec.
Michela Marzano, qui travaille depuis 7 ans sur la pornographie, a parlé de l’influence des cassettes porno auprès des jeunes puisque 50% des enfants de 11 ans ont déjà vu un film porno et que beaucoup en consomment régulièrement dès l’adolescence. Elle a évoqué l’ambivalence dans laquelle se trouvaient ces jeunes. Les jeunes filles jugent majoritairement que ces films insultent les femmes, mais en même temps qu’ils représentent une sexualité parfaite (l’homme ne débande jamais) ! Les garçons, quant à eux, font une très nette distinction entre les films porno et l’amour : les femmes des films porno et celles avec qui l’on peut mettre en pratique ces films étant des « filles faciles » (en fait, des filles fragiles selon Mme Marzano), les autres des filles respectables pouvant être aimées mais avec lesquelles ils ne pourraient pas coucher. Le clivage maman/putain est toujours bien vivant et Michela Marzano d’ajouter qu’on n’en est jamais vraiment sortis (malgré tout ce qu’on peut dire sur la « libération sexuelle » des années 60-70)."
Ajoutons que l'influence de la pornographie dominante est d'autant plus importante qu'il n'existe quasiment plus d'images alternatives de la sexualité qui soient accessibles aux jeunes.
Comment contrer cette influence ?
Il est illusoire de penser pouvoir soustraire les images pornographiques de
la vue des jeunes enfants ou adolescents. Un jour ou l'autre ils en verront(1).
Il faut donc qu'ils aient acquis avant que cela n'arrive une
représentation vivante de la sexualité : il faut leur expliquer la sexualité,
sa place dans la vie humaine (et dans celle de leurs parents !). Pour cela
encore faudrait-il pouvoir mettre à leur
disposition des images explicites, des textes et gravures érotiques qui
satisferont
leur curiosité et alimenteront leurs fantasmes(2). Or une fois de
plus la loi
sur
les publications destinées à la jeunesse s'y oppose (
loi 49-956 du 16 juillet 1949 articles 1, 2 et 14).
On devrait pouvoir éventuellement par la suite leur montrer des images
pornographiques
- mais c'est interdit - en
les commentant avec eux pour les "vacciner". Enfin, si les jeunes ont
eu dans leur enfance l'occasion de voir des gens amoureux faire l'amour(3) (en
dehors
d'un contexte de répression sexuelle qui culpabilise) cela
pourrait aussi contribuer à une construction saine de leur représentation de
la sexualité.
(1) Les enfants ont facilement accès à la pornographie sur l'Internet, les "bonnes adresses" s'échangent dans la cours de récréation dès la classe de CM2 - et peu de parents savent configurer un logiciel de contrôle parental. La très grande majorité des enfants voient leur premier film pornographique entre 10 et 13 ans. Ceci a fait l'objet d'enquêtes sociologiques dans plusieurs pays d'Europe, néanmoins les milieux éducatifs semblent toujours ne rien vouloir en savoir.
(2) Il nous paraît extrêmement grave que le premier contact d'un
enfant avec la sexualité soit la pornographie. Car si l'enfant n'a pas
pu se construire au préalable une représentation de la sexualité,
il assimilera sexualité et pornographie.
L'art érotique (de toutes les cultures) est une riche source dans laquelle
on pourrait puiser un matériel adapté à une éducation
contre-pornographique. De plus cette exposition à une sexualité amoureuse,
gardant un rapport avec la nature et la culture, serait médiatisée
par un adulte. A défaut - et c'est ce qui se passe actuellement -
l'enfant est laissé seul face aux images pornographiques, images
stéréotypées, humiliantes, parfois violentes, et réduisant
les relations humaines à un contact mécanique.
(3) Nous parlons ici d'occasions dont l'enfant pourrait tirer parti. Il faut prendre du recul par rapport à la situation présente : ce n'est que depuis environ deux siècles que la plupart des gens prennnent toutes les précautions possibles pour effectuer les actes naturels que tous les humains font (en premier lieu : faire ses besoins) sans risquer d'être vus. C'est là à notre sens l'une des manifestations de l'idéologie bourgeoise individualiste et pudibonde. Et c'est même un phénomène relativement récent (non sans rapport avec l'évolution de l'habitat) que les enfants n'aient plus du tout la possibilité d'espionner des adultes en train de faire l'amour.
Finalement, non seulement la loi a induit la prolifération de films pornographiques
dégradants - tout en étant impuissante à les soustraire à la vue des mineurs
-, mais de plus elle interdit toute lutte contre l'influence de la pornographie
dominante qui passerait par l'éducation et non par la répression.
Cela soulève au passage la question plus générale des lois de prohibition
(d'inspiration puritaine) qui, non seulement sont en général contre-productives
par rapport aux effets recherchés, mais de plus favorisent le développement
des mafias.
Il existe par ailleurs quelques productions pornographiques alternatives, notamment des films réalisées par des femmes (cf. par ex. le documentaire Le porno au féminin (lien vers Arte.tv) mais - outre que ces productions sont extrêmements marginales (en nombre) - malgré de bonnes intentions le résultat est décevant. Ces films n'opèrent pas vraiment de rupture avec l'iconographie de la pornographie dominante. Une des limites étant le recours à des acteurs professionnels de la pornographie, aux gestes stéréotypés. Une autre limite étant celle des moyens financiers et de la rentabilité (la taxation dont nous avons déjà parlé).
Concernant les aspects où la censure directe est illégitime, d'autres moyens concourent à entraver l'éducation à la sexualité des enfants. Nous avons mis en évidence que l'engouement médiatique pour les affaires dites de "pédophilie" joue ce rôle de censure (voir la page A qui profite l'hystérie anti-pédophile ?).
Génération porno
Ainsi se forme aujourd'hui une nouvelle génération, aux fantasmes formatés et stériles, épilée intégralement : la "génération porno".
Le fait que dans les films pornos les corps soit complètement épilés depuis fort longtemps (soit-disant pour mieux "voir") est un facteur qui a sans nul doute contribué à la banalisation de l'épilation. En particulier le fait que l'accès à ces images soit devenu très aisé (Internet) n'est pas sans rapport avec la généralisation depuis quelques années chez les jeunes de l'épilation intégrale du pubis. Lire deux points de vue divergents de femmes pornographes sur les intéractions entre production pornographique et épilation intégrale : témoignages 42 et 43.
Plusieurs personnes nous ont fait part de leur déception de ne plus rencontrer que des partenaires qui "baisent comme dans les films pornos" : jeunes hommes qui utilisent le corps de leur partenaire comme un objet, jeunes femmes qui simulent en poussant de grands cris...
"Quatre-vingt quinze fois sur cent la femme s'emmerde en baisant" nous disait déjà Georges Brassens en son temps. Depuis, la "libération sexuelle" a fait trois petits tours et puis s'en est allée...