Les mouvements féministes, nés au milieu du dix-neuvième siècle, n'ont permis que l'abolition des différences légales entre homme et femme (droit de vote, régime matrimonial) et l'accès aux minima sexuels (contraception, avortement, criminalisation du viol). Cependant ils n'ont pas eu d'impact vraiment significatif sur l'organisation de la société. En ce domaine tout reste à faire et force est de constater que les mouvements féministes ne progressent plus guère depuis la fin des années 1970.
Revendiquer un salaire égal à celui des hommes, des postes hiérarchiques également répartis (que ce soit au sein de l'entreprise ou dans la vie politicienne) c'est vouloir s'intégrer au système capitaliste, ou en d'autres termes vouloir accèder au modèle masculin. Un féminisme orienté vers ces objectifs est donc par essence même condamné à l'échec.
Un véritable féminisme doit revendiquer un modèle social autre, et cela commance par l'abolition des hiérarchies et des relations de pouvoir, que ce soit dans le domaine privatif ou dans le domaine public et professionnel.
La revendication d'une "identité féminine", notamment portée par les féministes Nord-américaine est une impasse. La femme doit revendiquer le droit de s'exprimer en tant qu'être humain et non justement simplement en tant que femme. C'est une erreur de se percevoir humiliée en tant que femme. Une femme est humiliée car elle est une femme, mais humilée en tant qu'être humain.
La féminisation des noms de profession en français, pratique qui nous vient du Canada, (ex : un auteur, une auteure) enferme au contraire la femme dans son genre. Toute personne doit être reconnue en tant qu'être humain avant d'être reconnue si besoin comme être sexué. C'est la société qui tranforme le sexe en genre. Genre qui devient alors une composante essentielle de l'identité de la personne. Vouloir constituer un groupe distinct, excluant les hommes, c'est se prendre au piège du genre.
Remarque : il est un fait que, en moyenne, dans les groupes mixtes les hommes prennent plus volontiers la parole que les femmes. Mais constituer des groupes de femmes non-mixtes ne peut être qu'une solution temporaire. De même la parité imposée ne peut être légitimée que comme mesure d'urgence. La société doit se doter de règles pour permettre aux dominés (quels qu'ils soient) de sortir de cette position.
Une autre solution adoptée par de plus en plus de groupes militants consiste à "féminiser les textes" en écrivant simultanément les deux formes masculine et féminine dès lors qu'un mot se rapporte à une personne humaine. (Ex : nos camarades sont venu-e-s). Outre que cela rend les textes difficilement lisibles et consomme un temps précieux, ce marquage ne fait que juxtaposer le genre masculin et le genre féminin, il ne supprime pas le genre.
Quand on ne s'exprime pas en tant qu'être sexué, c'est à
dire que l'on s'exprime en tant qu'être humain il faut employer
le neutre. Or en français le neutre a la même forme grammaticale
que le masculin. Cette forme déplait à ceux qui confondent genre
grammatical et genre social !
Nous proposons donc simplement d'utiliser la forme neutre pour parler d'un point
de vue non sexué.
Expérience : prenez quelque secondes pour bien soupeser la différence entre ces deux phrases prononcées par une femme :
- "Je suis un homme libre."
- "Je suis une femme libre."
(rappel : le sexe est biologique (mâle, femelle), le genre est socialement construit (masculin, féminin).)
Un exemple de cette confusion : se sentir inférieure parce qu'on est en-dessous dans le rapport sexuel ou que l'on bouge moins que l'homme (être plus passif dans l'acte sexuel).
On trouve des psychologues, qui bien que féministes, faisant cette confusion, ont détourné les apports de la psychologie qui montrent l'importance du sexe. S'appuyant sur ces observations ils mettent en avant l'importance du genre. Or l'oppresion sexuelle est d'autant plus forte que les personnes sont enfermées dans leur identité de genre.
Dans les sciences sociales, lorsqu'un chercheur femme publie une recherche, ce qu'elle produit est lu comme marqué par la féminité. (remarquons au passage que lorsque c'est un homme on ne dit jamais que sa recherche est marquée par sa masculinité !). Il est vrai que l'on parle toujours d'un point de vue, mais il faut tendre à faire parler l'humanité en soi pour pouvoir atteindre à l'objectivité.
Le féminisme qui se centre sur une identité et sur une appartenance groupale (ce qui à pour effet de masquer l'humanité) est parfaitement en phase avec l'idéologie dominante (l'individualisme libéral).
L'humanité est à chercher dans ce que nous avons tous en
commun : les grandes fonctions de bases physiologiques. Bien sûr il existe
des différences physiologiques entre hommes et femmes - mais aussi
entre jeunes et vieux, entre ceux qui vivent sous les tropiques et ceux
qui vivent dans les hautes latitudes, etc. - mais ce qui compte c'est
l'essentiel : notre base commune, notre corps.
Dans notre société, le fait que le corps soit sur-investi en tant
qu'objet à parfaire va de pair avec le fait qu'il soit complétement
aliéné au niveau des sensations. Notre corps n'est plus juge de
rien, nous ne pensons plus avec notre corps.
Le combat féministe doit se centrer sur l'humanité. Permettre à chacun de se définir comme être humain, c'est-à-dire redonner à cela un sens identitaire.
Voir aussi notre page sur le vocabulaire
du patriarcat et de la répression sexuelle.
Voir aussi notre analyse d'une publicité pervertissant
le féminisme.
Chez les jeunes femmes des années 1970 une revendication centrale était le droit de n’avoir pas à être en permanence sexuellement attirante (« femme-objet »). L’épilation était à refuser au même titre que les bas ou les talons aiguilles.
Or la jeune femme d’aujourd’hui qui s’épile intégralement, loin de voir une quelconque contradiction entre sa pratique et les idées féministes, la considère comme un élément indispensable de la panoplie identitaire de la femme sexuellement libérée. Cette représentation de la liberté sexuelle est probablement à mettre en rapport avec la banalisation de la consommation de pornographie. De manière générale, le modèle normatif de la femme “libérée”, “active”, s’est aujourd’hui paradoxalement confondu avec le modèle de la femme sexuellement attirante, soucieuse de son apparence jusqu’à mettre sa santé en péril (notamment anorexie). Ce modèle de la femme “libérée” n’est sans rapport avec les images publicitaires. Ainsi les contraintes nécessitées par ce souci permanent de l’apparence (temps, argent, souffrance) ne sont plus vécues comme autant d’humiliations.
Dans cette courte interview, Thérèse Clerc, militante historique, évoque Wilhelm Reich :