Mouvement International pour une Écologie Libidinale (M.I.E.L.)
Publié par l'association Résistance à l'Agression Publicitaire, dans RAP-Echos n°48, novembre 2004 |
"Tu écoutes à la radio les slogans publicitaires sur des laxatifs, des dentifrices, des déodorants. Mais tu n’entends pas la musique de la propagande. Tu ne te rends pas compte de la stupidité incommensurable et du goût détestable de ces choses destinées à capter ton attention. As-tu jamais prêté l’oreille aux plaisanteries que [l’on fait] sur ton compte [...] ? Écoute la publicité sur un laxatif et tu sauras qui tu es et comment tu es." Wilhelm Reich, in Écoute petit homme.
Prenons un exemple concret, qui dans notre pays concerne presque toutes les femmes dans leur vie quotidienne : l'épilation sous les bras.
Cette pratique "culturelle" est relativement récente, les femmes aux aisselles épilées sont devenues majoritaires en France il y a environ 35 à 40 ans. En ce qui concerne les pays occidentaux, elle est nettement moins suivie en Allemagne et dans les pays de l'Europe de l'Est et du Sud-est ainsi que sur la côte Nord-ouest des États-Unis.
La pression publicitaire visant à étendre cette pratique est considérable.
Cherchez une femme qui montrerait dans une publicité quelconque une aisselle
poilue : vous n'en trouverez pas. Cherchez une actrice qui dans un film
français ou États-unien montrerait une aisselle poilue : vous risquez de
chercher longtemps. Essayez donc de vous faire recruter comme hôtesse d'accueil
sans être épilée... Parlez-en à vos copines : "comment tu ne t'épile
pas ? Beuurk !". Ouvrez les magazines féminins : vous y trouverez
martelé sans cesse l'argument comme quoi des aisselles non épilées pues plus
et sont inesthétiques. (Au
fait nous les hommes qui ne nous épilons pas nous puons ?)
Or cela est faux, le rôle des poils est justement de contrôler la
sudation ! Par ailleurs l'épilation (et aussi l'usage de déodorants et
parfums) empêche la "communication émotionnelle" qui passe par les
odeurs corporelles et les phéromones, ce qui a des effets relationnels
néfastes.
Cette propagande n'a bien entendu d'autre but que de vendre des produits dépilatoires auxquels il faudra
ajouter des produits anti-odeurs et anti-sueurs outre des produits apaisants après-rasage ou post-épilatoire...
L'exemple montre la façon insidieuse dont la propagande publicitaire agit bien au delà du support publicitaire identifié comme tel (élimination du champ visuel de ce que l'on veut éradiquer et remplacement par des modèles, rédactionnel pseudo-scientifique, définition de critères esthétiques). Elle est d'autant plus efficace qu'elle est relayée par une pression sociale et psychologique (copines, grande soeur, petit ami, employeur...)
Nous avons là un parfait exemple d'exploitation du corps de la femme à fins d'en tirer un profit capitaliste. Cette exploitation passe par l'aliénation des femmes (bourrage de crâne, dévalorisation de son propre corps, rôle d'objet sexuel) et des hommes (conditionnement du désir).
Le corps est utilisé dans un but marchand (investir de libido un bien de consommation, vendre des produits, des soins, des interventions chirurgicales parfaitement superflus). C'est un corps réifié, qu'il convient de rendre "parfait" y compris en le mutilant (chirurgie, prothèses...). Loin d'être valorisé, le corps n'est pas considéré comme acceptable tel qu'il est puisqu'il se doit d'être transformé (en toute bonne logique consumériste).
L'épilation est aussi un exemple d'artificialisation et d'aseptisation du corps, qui est symptomatique du rejet de la nature, caractéristique dominante et fondatrice de notre société occidentale (nous sommes entrés de plein pied dans le champ de la psychanalyse politique et de l'écologie libidinale !)
On peut finalement penser que les mobilisations féministes qui se sont focalisées sur quelques droits fondamentaux conquis face aux moralistes réactionnaires (contraception, avortement) ont vu leur base sapée par cette offensive marchande sur le corps passée quasi-inaperçue. "Mon corps est à moi" revendiquaient les militantes des années 70 ; aujourd'hui le corps des femmes appartient aux marchands.
Contre-attaquons ! Appel à modèles bénévoles : amies velues nous
voulons diffuser votre photographie pour montrer aux femmes qui subissent la
pression épilatoire que l'on peut être belle et séduisante avec des poils.
Vous pouvez aussi nous faire part de votre expérience. Contactez-nous.
Voir également concernant l'épilation : l'épilation sous les bras
et un évènement pour lancer la résistance :
l'été sans épilation
et concernant la publicité : publicité
sub-libidinale,l'analyse d'une publicité
pervertissant le féminisme, ainsi que l'article
Vos
aisselles sont moches? Ce sont les marques qui vous le disent (lien
vers slate.fr) qui analyse le mécanisme publicitaire à partir d'un
exemple
récent
(les aisselles seraient moches !) et
d'exemples historiques. La publicité n'a pas pour premier objectif de
vendre
des produits,
mais de créer
des
besoins.