Voir le contexte de leur production :
Nanterre mai 68.
Ces tracts sont reproduits dans les ouvrages suivants :
BRAU Jean-Louis, Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi ! Histoire du mouvement révolutionnaire étudiant en Europe, Albin Michel, Paris, 1968, pages 83, 85-86, annexes 9 et 10.
SCHNAPP & VIDAL-NAQUET, Journal de la commune étudiante : textes et documents nov67-juin68, Seuil, 1969, pages 132-133.
CHOLLET Laurent, Les situationnistes - L'utopie incarnée, Gallimard, 2004, pages 108-109.
Lire aussi un recueil de slogans de 68 :
Enragés anonymes, Interdit d'interdire, les murs de mai 68, L'esprit
frappeur, 1998.
A Nanterre l'A.R.C.U.N.(Association des Résidents de la Cité universitaire de Nanterre) après une conférence de Boris Fraenkel sur Wilhelm Reich (mars 1967) fit distribuer le tract suivant reproduisant un manifeste de Reich paru dans Sexpol en 1936 :
QU'EST-CE QUE LE CHAOS SEXUEL ? — c'est faire appel dans le lit conjugal à la loi du « devoir conjugal », — c'est contracter une liaison sexuelle à vie sans avoir connu sexuellement auparavant le partenaire, — c'est « coucher » avec une fille prolétarienne parce qu'elle « ne vaut guère mieux » et en même temps ne pas exiger « une telle chose » d'une fille « convenable », — c'est la lubricité d'une vie de prostitution sordide ou l'attente, par suite d'abstinence, de la « nuit de noces », — c'est faire culminer la puissance virile dans la défloration, — c'est à quatorze ans peloter mentalement avec avidité de haut en bas toute image de femme à moitié nue et ensuite, à vingt ans, entrer en lice comme nationaliste pour « la pureté et l'honneur de la femme », — c'est rendre possible l'existence de détraqués et inculquer leurs fantasmes pervers à des dizaines de milliers de jeunes, — c'est punir les jeunes pour délit d'auto-satisfaction et faire croire aux adolescents qu'ils perdent, par éjaculation, de la moelle épinière, — c'est tolérer l'industrie pornographique, — c'est exciter les adolescents par des films érotiques, en retirer des bénéfices, mais leur refuser l'amour naturel et la satisfaction sexuelle en faisant appel, par-dessus le marché, à la culture. CE QUE N'EST PAS LE CHAOS SEXUEL ! — c'est désirer par amour réciproque l'abandon sexuel mutuel sans tenir compte des lois établies et des préceptes moraux, et agir en conséquence, — c'est libérer les enfants et les adolescents des sentiments de culpabilité sexuelle et les laisser vivre conformément aux aspirations de leur âge, — c'est ne pas se marier ou se lier durablement sans avoir connu exactement le partenaire sur le plan sexuel, — c'est ne mettre au monde des enfants que lorsqu'on les désire et peut les élever, — c'est ne pas réclamer de quelqu'un un droit à l'amour et à l'abandon sexuel, — c'est ne pas tuer le partenaire par jalousie, — c'est ne pas avoir de rapports avec des prostituées, mais avec des amies de son propre milieu, — c'est ne pas faire l'amour sous des portes cochères, comme les adolescents dans notre société, mais désirer le faire dans des chambres propres et sans être dérangés, — c'est enfin ne pas maintenir un mariage malheureux et éreintant par scrupule moral, etc. Le bavardage culturel ne cessera pas et le mouvement culturel révolutionnaire ne vaincra pas, si ces questions ne sont pas résolues. |
Le même tract est utilisé en mars 1968 pour annoncer la nouvelle conférence sur Reich, sa dernière phrase est remplacée par :
Manifeste de Wilhelm Reich, 1936 Conférence par Mme Revault d'Allonnes, Jeudi 21 mars, 20h30 au foyer F |
Deux tracts du comité "nous sommes en marche" :
« SEXUALITÉ, COUPLE, FAMILLE. La sexualité participe au système oppressif actuel. Une révolution sexuelle ne saurait être un aménagement des rapports sexuels aboutissant à de nouvelles « figures ». Les contraintes et les stéréotypes sexuels de notre société sont inutiles, morbides et aliénants. THÈSE 1 : L'aliénation provient de la division, de la spécialisation et de la hiérarchisation de l'individu dans la sexualité comme dans le travail. THÈSE 2 : Les détournements de l'énergie sexuelle ont donné naissance à un capitalisme de la sexualité, institutionnalisant les échanges sexuels. Ces institutions sont d'ordre légal avec le couple, le mariage-divorce, la procréation et d'ordre des valeurs avec la féminité, la stérilité, la virginité, la passivité, la virilité, l'impuissance et l'activité. THÈSE 3 : L'érotisme est le luxe de la sexualité tout comme les loisirs sont celui du travail. Il est présenté pour susciter de nouveaux « besoins sexuels ». THÈSE 4 : Le capitalisme produit des exploités, la société produit des inadaptés. Nous n'avons aucune raison d'accepter le second de ces faits plus que le premier. THÈSE 5 : Les interdits sexuels créent une culpabilité chez les inadaptés, ce qui est une forme d'oppression. THÈSE 6 : La prostitution est l'institutionnalisation du sous-prolétariat sexuel. THÈSE 7 : La sexualité est une activité nécessaire et libre dont l'élément central est l'acte sexuel. THÈSE 8 : Le couple est l'union spontanée de deux anatomies, pour cinq minutes ou plus. THÈSE 9 : Le couple institutionnalisé en « personne morale » indivisible et durable est aliénant. Les relations de propriété ainsi introduites entre les deux partenaires sont un vol au même titre que le capital. THÈSE 10 : Les relations entre individus autonomes sont économiques, intellectuelles et sexuelles. Une relation « affective » est l'image subjective d'une combinaison des trois relations objectives précédentes. THÈSE 11 : Le couple n'est pas l'école de la communication. L'impossibilité de créer un couple autre que fugitif n'est pas le signe d'une impossibilité de vivre en société. Seule la place privilégiée du couple institutionnalisé tend actuellement à faire croire le contraire. THÈSE 12 : Seule l'autonomie permet la réceptivité et l'effort d'adaption mutuelle nécessaire à la communication réelle entre deux individus. THÈSE 13 : Les fonctions de l'homme et de la femme dans l'acte sexuel sont différentes. Toute extension de cette différence aux autres relations, instaurant une division et une hiérarchisation dans le travail nécessaire à la survie des deux autonomies du couple, est un abus de pouvoir de la société ou de l'un des partenaires. THÈSE 14 : II faut que tous soient ménagères à temps partiel pour qu'il n'y ait pas de ménagères à temps complet. THÈSE 15 : L'enfant est endroit d'exiger de ne pas être le ciment-victime d'un couple disloqué. Il a sa place en tant qu'individu accédant à l'autonomie dans la société. THÈSE 16 : II n'y aura plus de « problèmes familiaux » si l'enfant est économiquement à la charge de la société dès sa naissance. THÈSE 17 : L'enfant accédera à l'autonomie par l'éducation permanente, comprenant l'éducation sexuelle, qui sera à la charge de la société. THÈSE 18 : Les relations privilégiées que pourra avoir l'enfant avec ses parents ne seront ni exclusives ni aliénantes, ces relations n'étant pas de dépendance. THÈSE 19 : La famille institutionnelle balayée, chacun choisira librement ses relations privilégiées s'il le désire. » Comité « Nous SOMMES EN MARCHE ». |
« APPEL AUX HOMMES ET AUX FEMMES DE CE JOUR. 1. La révolution bourgeoise fut juridique, et, négligeant l'économie, se guinda dans le puritanisme. 2. La révolution prolétarienne fut juridique et économique et, négligeant le corps, se noya dans le romantisme. 3. Notre révolution doit être juridique, économique et sexuelle, faute de quoi elle se châtrera sous l'échafaud obsessionnel de la violence et de l'érotisme sadique. 4. De même que c'est en brandissant leur idéal juridique que les bourgeois parvinrent à prendre conscience de leur infériorité face aux dégénérés du sang qui s'étaient « donné la peine de naître », de même que c'est en faisant jouer leur volonté d'expansion économique que les serfs et les « âmes mortes » d'Orient se donnèrent et se donnent encore un statut d'homme face à l'impérialisme et au mandarinat repus, de même c'est en prenant conscience de la misère fantomatique de nos corps que nous nous réveillerons au sens des réalités économiques. 5. Objectivement complices de l'impérialisme d'Occident, le prolétaire ni le bourgeois ne se soucient du Tiers-Monde : ils affectent d'ignorer qu'il subit tous les effets réels de notre structure mentale imaginaire. 6. Ce sont pourtant des hommes de ce Tiers-Monde qui, venus à la pointe extrême d'Occident comme esclaves, menacés de castration par le verbiage bien-pensant du puritanisme, ont lancé à la mer ce message codé du sexe et du sang qui devait déclencher la révolution culturelle en Europe : le JAZZ, cri de haine et de révolte contre les fantômes blancs. Alors les hommes d'Occident connurent qu'ils étaient exsangues, désincarnés, asexués. L'oreille ne rencontrait plus que le vide du cœur. 7. Si notre sexualité se fige dans la violence, si notre jeunesse s'y blesse, c'est que la société tout entière nous fait violence, car le fondement de la société est la violence. Abolissons toutes ces divisions perpétuées volontairement de l'homme normal et de l'homme pathologique, du social et de l'asocial, du droit et du gauche, du sain et du bizarre, du viril et du féminin, du droit chemin et des chemins de traverse. 8. Une fois forgée la notion contradictoire d'objet sexuel, qui pousse l'homme à être ce qu'il a et la femme à avoir ce qu'elle est, une fois rompu le dialogue antique entre les traditions et le renouveau, entre le connu et l'inconnu, une fois dénaturé ce rapport sexuel dont toutes les positions symboliques et imaginaires avaient été transportées et figées dans les relations bureaucratiques du rapport médecin-malade il a fallu valoriser la seule chose qui restât : le viol, le vol, la mort. La sexualité était désincarnée. Nos corps ne nous appartenaient plus : ils étaient la propriété des modes, des snobismes et des institutions. 9. Hommes et femmes de ce jour, nous devons contester, dans notre sexualité, cette violence qui n'est pas de nous. 10. A dater de ce jour, il n'y a plus de problèmes psychosexuels. Il n'y a plus que des problèmes politiques. Et toi qui es en psychanalyse, si tu cries la vérité dans la rue, quel besoin auras-tu de la chuchoter sur un divan? 11. La famille est un problème politique. L'éducation sexuelle est un problème politique. Le couple pose des problèmes politiques. La production d'enfants pose des problèmes politiques. La relation de dépendance et d'autorité, son cortège de complexes et de refoulements, sont un problème politique. 12. Ne nous laissons pas scinder de ceux que l'on appelle les « minorités sexuelles », pour mieux cacher que, mises ensemble, elles ont la majorité absolue. Ne laissons pas s'instaurer une société de bordels spécialisés. 13. Ne nous glorifions pas d'une révolution qui nous dépasse, si nous ne voulons pas être dépassés par elle à jamais. Demandons-nous plutôt d'où vient la nécessité de cette révolution, et pour cela interrogeons les damnés de la terre. 14. Ne laissons pas les damnés de la terre se recroqueviller sous le regard voyeuriste et le bistouri sadique des sections spécialisées des bordels hospitaliers. Allons les délivrer. Nous en avons le droit. Nous sommes leur seule famille : névrosés comme eux, et comme eux massacrés. Ils vivront parmi nous, nous enseignant, et nous, les enseignant. 15. Hommes et femmes de ce jour, nous aurions également tort de condamner la fête sexuelle ou de nous y livrer pieds et poings liés. La sexualité existe. Il faut donc la réinventer. LA SEXUALITÉ SERA CE QUE NOUS VOUDRONS QU'ELLE SOIT. Et pour cela, il nous faut dire ce que nous voulons. Condamnons une société où les tabous sont prétendument morts, mais où il est interdit d'en parler. Ne nous laissons pas réduire au silence. 16. Ne cédons pas au « féminisme ». Les femmes ont été flouées. On leur a donné la révolte et des mots. On ne leur a pas donné les moyens de faire la révolution ni des phrases complètes, c'est-à-dire le savoir nécessaire pour prendre leurs distances avec leur condition. Prenons nos distances avec notre révolution. Nous devons prendre le temps de savoir de quelle révolution il s'agit. 17. Cessons d'être des mangeurs-mangés, nous aliénant et détruisant mutuellement dans une course aveugle à une « victoire » sentimentale impossible. Soyons dès maintenant des enseignants-enseignes d'une éducation sexuelle permanente, productrice et consommatrice en même temps de biens de culture, d'objets de connaissance, ou de services : de savoir et de savoir-faire. Alors et alors seulement s'éclaireront d'un jour nouveau et d'une clarté aveuglante nos rapports de production et de consommation où l'analyse économique maintenant traditionnelle s'enlise lourdement. Ce n'est pas l'acte sexuel qui est assimilable à un repas, c'est le repas qui est un acte sexuel. Le juridique est contenu dans et surdéterminé par l'économique. L'économique est contenu dans et surdéterminé par le sexuel. Éveillons la conscience de nos corps et nous éveillerons par le même coup le reste. 18. Hommes et femmes de ce jour, acceptez cette banalité : la sexualité est le produit de la structure sociale. La sexualité humaine dépend de la parole, elle est prise dans le langage. Si votre sexualité ne vient pas de votre parole vivante, elle est le produit du langage, c'est-à-dire des paroles des morts. Si vous ne produisez pas vous-mêmes votre sexualité par votre parole consciente, elle sera le jouet des mirages animés que produit la société pour fasciner les révolutionnaires. La sexualité du silence, de l'allusion et du mensonge, est dominée par l'image, et si vous avez une chance de devenir maîtres de vos PAROLES, vous ne pouvez RIEN contre les images. 19. IL Y A CAPITALISME DANS L'ÉQUILIBRE « PSYCHOSEXUEL » : le pervers et le névrosé sont les boucs émissaires sur lesquels les « normaux » déchargent le fardeau de leur propre perversion, de leur propre névrose. « Pathologie » et « perversion » recouvrent totalement l'ancienne obsession du « péché ». Que chacun prenne à son compte sa perversion et sa névrose et il n'y aura plus de spécialiste de la perversion, plus de spécialiste de la névrose. 20. La révolution n'est ni une fête ni un dérèglement. Les lendemains de fête chantent faux comme d'habitude. La révolution est l'explosion de la signification dans le champ de l'inconnu, l'envahissement d'une zone d'ombre par la lumière : LA PRISE DE POSSESSION DU LANGAGE PAR LA PAROLE. 21. Il faut que le monde ait un visage et non un masque. Soyons autre chose que les personnages historiques d'un bal masqué où tout le monde s'ennuie et se reproche son ennui. La révolution n'est pas une mode. Le révolutionnaire, ce n'est pas une casquette ni une barbe. 22. Refusons le « mariage-divorce » et l'érotisme prétendument « libre » (DE QUOI ? POUR QUI ?) : ce ne sont là que les termes contradictoires-complémentaires d'une même idéologie aliénante et désincarnée. 23. Il n'y a pas de sexualité humaine. La sexualité est toute à inventer. Ne nous laissons pas abuser par les maîtres à penser de la littérature ou de la science. Les personnalités sont complices de la société de consommation-oppression. Nos personnalités seules, dans l'enchevêtrement multiple d'une contestation permanente, produiront la science de la sexualité humaine. - Maturité, Virilité, Féminité, Maternité : notions idéologiques qui visent à notre intégration dans une société en voie de désintégration; notions qui permettent de séparer les hommes des femmes, les doux des violents, les conquérants des méditants, les jeunes des adultes, les initiés des non-initiés, de les opposer les uns aux autres pour faire triompher partout, à chaque seconde et jusque dans l'intimité des corps, un rapport de dépendance, de violence et d'oppression. COMPTONS SUR NOTRE JEUNESSE, NOTRE IMMATURITÉ. Il y a plus d'idées dans les hésitations d'un enfant que dans la tête des penseurs professionnels. 24. Hommes et Femmes de ce jour, ne chantons pas trop tôt que les tabous sont morts. Un tabou n'est jamais supprimé, il n'est que déplacé. Demandons-nous où sont passés les tabous. Demandons-nous qui subit, ici et maintenant, le fardeau de nos tabous déviés. 25. Croyez-vous sincèrement que des siècles et des siècles d'humanité ont été stu-pides, et que nous sommes soudain devenus intelligents? Les hommes avaient besoin de l'énergie de la sexualité pour peupler la terre et créer la société d'abondance. La surpopulation a renversé les données du problème : ce n'est plus le plaisir qui est compté, au profit de la fécondité physique et technologique. C'est la reproduction qui doit être mise sur la balance de la justice. C'est dire que le fardeau des tabous pèse maintenant sur les femmes. 26. Tous les éléments de notre vie quotidienne sont le produit du refoulement des instincts de plusieurs générations d'hommes. Comment pourrions-nous vivre dans ce décor, sinon en prenant conscience de sa signification : les sacrifices de milliards d'ancêtres? Comment pourrions-nous vivre notre avenir, sinon en prenant conscience du déplacement des tabous et des oppressions. C'est-à-dire par un surcroît d'amour. 27. Hommes et Femmes de ce jour, vous n'êtes qu'un corps traversé par la nature et la société. Or, vous ne connaissez ni votre corps, ni la nature, ni la société. SAVEZ-VOUS CE QU'EST UN CORPS ? ET COMMENT IL FONCTIONNE RÉELLEMENT ? Ce ne sont pas les spécialistes de telle ou telle science qui pourront répondre à cette question, mais nous-mêmes, dans la découverte longue et patiente de notre ignorance et la contestation permanente de notre méconnaissance et de nos illusions. La spontanéité est la prise de conscience. Condamnons la spontanéité de l'aveuglement, qui refuse de voir les structures auxquelles elle obéit, au moment même où elle croit les dépasser. Condamnons le langage inconscient des corps. IL FAUT PARLER SON CORPS CONSCIEMMENT. 28. LE ROMANTISME EST MORT AVEC LE DRAPEAU ROUGE. L'ÉROTISME EST MORT AVEC LE DRAPEAU NOIR. Notre choix idéologique est clair. Les gauloiseries et les crachats sont nécessaires un temps mais jamais suffisants. La provocation ne saurait tenir lieu de pensée sexologique ni la vulgarité de libération de nos corps toujours enchaînés. Dans l'état actuel où s'épanouissent nos désirs, ils ne sauraient en effet présenter d'autre aspect que celui des poubelles, détritus et autres individus qui fleurissent nos rues meurtries. 29. Que ceux qui savent le corps et son rapport à la nature et à la culture, apprennent d'abord comment l'enseigner. Que ceux qui savent le corps, son double rapport et comment l'enseigner, l'apprennent sans plus tarder aux autres. RIEN ne sera fait qui ne sera en même temps profondément pensé et pensé en commun. 30. Toute critique est une autocritique qui s'ignore, et toute condamnation, une confession. Prenons conscience de cette banalité, et la confession comme l'autocritique deviendront inutiles, comme n'importe quelle forme d'agressivité. La contestation n'a pas à être personnaliste. Ce sont des structures que nous voulons abattre et non des hommes. CE SONT DES PAROLES VIVANTES QUE NOUS VOULONS ÉCHANGER ET NON DES SIGNATURES DE « PERSONNALITÉS ». Une fois de plus, il nous faut arracher tous les masques, faire parler tous les silences, faire hurler les chuchotements : éventer les secrets de Polichinelle, derrière lesquels se cache la face hideuse du Roi pourri. » Comité « Nous SOMMES EN MARCHE ». |
Antonin Artaud, Lettre aux recteurs des universités européennes, 1925.
Publiée en tract pendant la seconde quinzaine de mai 1968 par les militants du
Mouvement du 22 Mars.
Monsieur le Recteur, Dans la citerne étroite que vous appelez « Pensée », les rayons spirituels pourrissent comme de la paille... ... Mais la race des prophètes s'est éteinte. L'Europe se cristallise, se momifie lentement sous les bandelettes de ses frontières, de ses usines, de ses tribunaux, de ses universités. L'Esprit gelé craque entre les cris minéraux qui se resserrent sur lui. La faute en est à vous, Recteurs, pris au filet des syllogismes. Vous fabriquez des ingénieurs, des magistrats, des médecins à qui échappent les vrais mystères du corps, les lois cosmiques de l'être, de faux savants aveugles dans l'outre-terre, des philosophes qui prétendent à reconstruire l'Esprit. Le plus petit acte de création spontanée est un monde plus complexe et plus révélateur qu'une quelconque métaphysique. Laissez-nous donc, Messieurs, vous n'êtes que des usurpateurs. De quel droit prétendez-vous canaliser l'intelligence, décerner des brevets de l'Esprit? Vous ne savez rien de l'Esprit. Vous ignorez ses ramifications les plus cachées et les plus essentielles, ces empreintes fossiles si proches des sources de nous-mêmes, ces traces que nous parvenons parfois à relever sur les gisements les plus obscurs de nos cerveaux. Au nom même de votre logique, nous vous disons : La vie pue, Messieurs. Regardez un instant vos faces, considérez vos produits. A travers le crible de vos diplômes, passe une jeunesse efflanquée, perdue. Vous êtes la plaie d'un monde, Messieurs, et c'est tant mieux pour ce monde, mais qu'il se pense un peu moins à la tête de l'humanité. |
« Crève salope ! » Tract publié à Bordeaux en avril 1968
Bordeaux, avril 1968. Convié à une soirée, Jean-Pierre Bouyxou croise la route
du Comité des vandalistes, affairé à la rédaction d'un tract et momentanément en
panne d'inspiration. Aussitôt adopté, son usage de la formule « Crève salope ! »
fera passer ce libelle à la postérité.
La lutte contre l'aliénation se doit de
donner aux mots leur sens réel ainsi que
de leur rendre leur force initiale :
- cassé la gueule à vos profs ; - enculé tous vos curés ; - foutu le feu à la faculté. Non, Nicolas, la Commune n'est pas morte. Comité de salut public des vandalistes |
Et en mai 1968, à Paris, Renaud compose sa première chanson : Crève salope !
Je v'nais de manifester au Quartier Le lendemain, comme tous les jours, j'vais au lycée, Et j'ui ai dit : crève salope ! L'proviseur m'a convoqué le lendemain, Et j'ui ai dit : crève salope ! Je m'suis r'trouvé dans la rue, abandonné, Et j'ui ai dit : crève salope ! Je m'suis r'trouvé enfermé à la Santé, Et j'ui ai dit : crève salope ! |