Mouvement International pour une
Écologie Libidinale (M.I.E.L.)
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L'épilation est-elle naturelle ?
Parmi les jeunes femmes que nous interrogeons sur leur pratique épilatoire,
il s'en trouve pour nous dire qu'"il est naturel de s'épiler",
que "le poil ce n'est pas la nature de la femme" ou même que "le
poil est contre-nature" ou que "un corps épilé est
totalement en harmonie avec la nature". Ceci peut paraître parfaitement absurde.
Ces phrases ne font sens que si l'idée de nature renvoie, non pas à la
nature biologique, mais à la nature version publicitaire. C'est-à-dire
le naturel vu comme "manière d'être" ("personnalité").
Bref à l'idée de nature telle qu'elle est véhiculée
dans l'idéologie individualiste.
Mais après tout, l'humain étant un être culturel, sa "nature" ne
saurait se définir indépendamment de tout ancrage culturel. Et
lorsque l'on remet en cause l'universalité de la pratique de l'épilation,
c'est alors (paradoxalement ?) sa dimension culturelle qui est avancée
par les femmes interrogées comme argument légitimant.
L'épilation est-elle culturelle ?
Or qu'est-ce que la culture ? C'est ce qui permet l'humanisation.
La culture naît de l'intersubjectivité, c'est à dire
de l'interaction entre sujets, entre personnes. Ce partage permet la construction
d'un système de significations communes. C'est la condition de l'émergence
d'un imaginaire social, sans lequel aucun lien n'est possible.
A l'inverse, des croyances, des
valeurs ou des comportements qui sont diffusés à partir
d'une source et qui se répandent par l'imitation, ne constituent pas
de la culture. Les media de masse, contrôlés par le grand capital,
ne produisent pas de culture ; ils en détruisent plutôt, en
divertissant et en véhiculant le
mépris de la culture. "La
culture est une résistance au divertissement" écrivait
Pier Paolo Pasolini. Et l'histoire naît de la création permanente
de culture.
La norme du glabre (il ne faut pas montrer de poil) est l'exemple d'un ensemble de croyances ("le poil c'est sale"), de valeurs ("le poil c'est laid") et de comportements (couper, arracher, ou au minimum cacher ses poils) qui s'est imposé, au fil des dernières décennies, à partir des images médiatiques répétées à l'infini. Les hommes et les femmes qui s'épilent et pensent le faire par "choix personnel", ne nous disent pas qu'être lisse c'est beau et propre, ils/elles disent que "c'est esthétique et hygiénique". Des mots qui n'appartiennent pas à la langue populaire mais au discours pseudo-scientifique des magazines.
L'épilation contemporaine n'est ni naturelle, ni culturelle ; elle est idéologique.
Dans le présent contexte d'une épilation généralisée
(au moins en ce qui concerne les femmes pour l'instant), justifiée par
une idéologie individualiste ("c'est mon choix personnel"),
laquelle produit le plus grand conformisme (c'est le même "choix" pour
presque toutes), conserver ses poils naturels, les assumer - c'est à dire
ne pas les dissimuler - ne peut tenir que d'un acte de résistance. En
effet, la femme qui conserve ses poils et ne les cache pas résiste
à la pression sociale et à la normalisation médiatique. Et cela exige d'être
capable de supporter
la
réprobation sociale. C'est un acte politique.
Cette résistance
est permise par la rencontre entre les gens (on ne résiste pas longtemps
seul). Elle naît
et se propage dans les interactions de personnes capables de penser et d'agir
par elles-mêmes
(des sujets). "Créer,
c'est résister. Résister, c'est créer." Appel du
Conseil National de la Résistance.
Résister
ensemble - en l'occurrence à la norme de l'épilation -, c'est
créer
de la culture. C'est faire l'histoire, c'est construire l'humanité.
L'opposition entre nature et culture est factice. Le poil est à la fois naturel et culturel.
Face à l'idéal du corps-machine, inaltérable, lisse et
aseptisé, que véhicule l'idéologie dominante dans ses
magazines et sa pornographie, nous revendiquons notre humanité, c'est-à-dire tout à la
fois notre nature biologique (nos poils, nos odeurs, nos rides...) et le sens
que nous lui donnons.
Car dans le contexte actuel, être poilu a du sens. Ce sens, que nous
créons collectivement, construit la culture. Nous cultivons la nature.
Par un processus inverse l'épilation, en se présentant comme
une évidence, naturalise (transforme un arbitraire social en nécessité naturelle).
Et ce faisant elle détruit la culture et ne crée que de l'idéologie.
Nous publions sur notre site les témoignages déjà reçus et notre forum, ouvert à toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent dans cet appel, fêtera cet été son quatrième anniversaire : http://ecologielibidinale.les-forums.com