L'"asexualité" revendiquée par certaines personnes est un sujet d'actualité dans les média. (Lire par exemple cet article de la revue Sciences Humaines). Il semble que, soit cette catégorie de personne devient plus nombreuse, soit ces personnes deviennent plus visibles dans la société.
En voici la définition, donnée par les "asexuels" eux-mêmes : "L’asexualité est l’état d’une personne (asexuelle) qui ne ressent pas d'attirance sexuelle pour d'autres personnes."
Cette définition nécessite des précisions. Elle
est large et il existe de multiples profils de personnes
qui se déclarent
ou se vivent comme "asexuelles". Il conviendrait donc de parler d'"asexualités"
(au pluriel).
Le site Aven-fr (Réseau
d'entraide des asexuels francophones et information sur l'asexualité)
donne des précisions sur ce que peut-être l'"asexualité".
La question qui est posée dans ce contexte est de savoir si l'"asexualité" (selon les définitions possibles) est une orientation sexuelle comme une autre, ou une pathologie. Il est toujours délicat d'appliquer la notion de pathologie à une personne qui revendique son état et déclare le vivre bien. De même que toute réréfence au normal versus pathologique en matière de sexualité, jusqu'à présent, s'est toujours ancrée dans des conceptions normatives, socio-historiquement situées, et potentiellement utilisables à des fins de stigmatisation. En même temps, le fait de se "sentir bien" peut simplement traduire une adaptation réussie aux exigences morbides du monde dans lequel nous vivons.
Du point de vue psychanalytique, le désir sexuel est la manifestation
de l'énergie
sexuelle (ou libido).
Du fait de la plasticité de
l'être
humain (néoténie),
la libido peut se fixer sur toutes sortes d'objets (au sens large) et une personne
peut accéder au plaisir sexuel d'une façon bien différente
d'une autre personne. Le choix du type d'objet désiré (l'orientation
sexuelle) est déterminé
par l'expérience infantile de l'individu.
De notre point de vue un désir sexuel sain est un désir dirigé vers autrui. C'est le désir d'éprouver un plaisir sensuel et sexuel avec une ou plusieurs autres personnes. Ceci n'implique pas qu'il y ait nécessairement un rapport sexuel au sens strict (une pénétration). Le plaisir et en particulier l'orgasme peut parfaitement s'obtenir sans pénétration. En conséquence l'absence d'attirance pour le coït est simplement une modalité particulière de l'orientation sexuelle.
Un désir sexuel non orienté vers une autre personne (tel que : auto-érotisme exclusif, fixation du désir sur des êtres non humains ou des objets inanimés ou encore consommation exclusive de pornographie) est de notre point de vue une orientation sexuelle pathologique.
Note : Pathologique ne signifie pas que la personne devrait être soignée. Le soin ne se justifie que si la personne le demande, où - exceptionnellement - si le comportement de la personne met d'autres personnes en danger.
L'absence totale de tout désir sexuel (absence de fantasme, absence d'excitation sexuelle) est la modalité "zéro" de l'orientation sexuelle.
Du point de vue des théories psychanalytiques, et notamment celles de Wilhelm Reich, nous devons considérer que nous avons affaire dans ce cas à une pathologie car il s'agit de l'absence d'une fonction essentielle (la libido) de l'être vivant sexué. Une biopathie - trouble du processus de la vie - pour reprendre un terme Reichien. La fonction de l'orgasme n'est alors pas réalisée.
Cette absence peut avoir une origine directement physiologique (génétique, accidentelle, etc.) ou une origine psychologique (et dans ce dernier cas nécessairement sociale).
Si l'on s'en tient à la définition citée en introduction,
l'"asexualité" recouvre
à la fois le cas du désir sexuel existant mais non dirigé vers
autrui, et le cas de l'absence complète de désir.
Ce terme est ambigu car on pourrait aussi l'entendre comme concernant uniquement
l'absence de tout désir sexuel.
Si l'"asexualité" est un phénomène émergent
(de plus en plus répandu)
on devra alors la mettre en rapport avec les conditions sociales du moment
: le délitement de la société (perte de sens - notamment
du sens de la sexualité assimilée à la pornographie -,
rupture des liens sociaux,
glissement totalitaire, absence de perspectives,
etc.)
Cela pourrait en effet assez bien produire un effet délétère
touchant le désir "vital" des individus.
A noter que cet effet peut tout aussi bien expliquer l'absence totale de désir
que la simple absence de désir tourné vers autrui.
Une interprétation plus classique - complémentaire de la précédente
- considèrera
l'absence totale de désir sexuel comme l'incorporation ultime du rejet
puritain et pudibond de la sexualité : la personne ne lutte plus contre
les "tentations",
elle en est délivrée : c'est l'état idéal de l'ascèse
monacale.
Ici aussi l'évolution sociale de ces dernières années
qui voit le retour en force de la pudibonderie (en parallèle de la banalisation
d'une pornographie de plus en plus déshumanisée et morbide -
donc asexuée !), peut fournir une explication.
Les personnes qui se revendiquent comme "asexuée" disent bien vivre cette absence de désir. Il s'agit là d'un phénomène de rationalisation : ces personnes réussissent à se contruire une identité positive autour de leur frustration. L'incapacité à établir une relation de désir envers autrui les amène à considérer que cet état est leur choix. Ceci n'est guère différent du cas de toutes ces femmes qui s'épilent par soumission à une norme sociale tout en expliquant ce comportement comme étant un choix personnel.
A noter enfin que si l'"asexualité" n'est pas une phénomène en croissance mais seulement un phénomène plus visible, se pose néanmoins la question de savoir en quoi les conditions sociales actuelles favorisent cette visibilité. Le dernier point (pudibonderie + pornographie) pourrait aisément l'expliquer.
Ce ne sont ici que quelques pistes pour appréhender le phénomène de l'"asexualité". Vous pouvez en nous donnant votre point de vue et/ou votre témoignage contribuer à enrichir cette page et ce débat. Vous pouvez nous les faire parvenir par courriel ou poster sur le sujet asexualité de notre forum.