Recueil d'extraits d'ouvrages traitant de la naissance et du maternage.
Observation de Margaret Mead in Mœurs et sexualité en Océanie, 1935
(édition Plon, 1963. p.66-68 et 71-72) sur les indigènes Arapesh de la Nouvelle-Guinée :
« Dès que l’enfant est assez vieux pour jouer avec le sein, la mère joue
un rôle actif dans la tétée. Tenant son sein dans la main, doucement, elle en fait vibrer le bout entre les lèvres du nourrisson. Elle souffle dans
son oreille, la lui gratte, ou gentiment lui tapote le sexe ou chatouille ses doigts de pied. De ses menottes, le bébé tambourine sur le corps de sa mère, sur le sien, joue avec un sein tandis qu’il tête l’autre, joue avec
son sexe, rit, gazouille, et fait de sa tétée un jeu qu’il prolonge à plaisir.
Ainsi se nourrir est-il pour le bébé un acte particulièrement affectif et devient-il un moyen de développer sa sensibilité aux caresses sur toutes les parties de son corps. Nous sommes loin de notre nourrisson
tout enveloppé dans ses langes, à qui l’on donne une bouteille impersonnelle, dure au toucher, qu’il lui faut boire sur le champ, et qui,
aussitôt après doit s'endormir pour soulager le bras de sa mère. Bien au contraire, chez les Arapesh, l'allaitement reste un jeu charmant, qui
garde toute sa signification affective, et qui forme le caractère des individus pour la vie.
(…) Il n’est pas non plus exigé des petits enfants qu’ils aient vis-à-vis
d’autres enfants une conduite différente selon le sexe de ceux-ci. A quatre ans ils peuvent se bousculer, se rouler ensemble sur le sol sans
que personne s’en inquiète, ni des contacts physique qui en résultent.
C’est ainsi que, insouciants, au hasard de leurs jeux, les enfants apprennent à connaître la physiologie des sexes, sans qu’il s’ensuive
aucun sentiment de gêne : bien au contraire, cette découverte s’enrichit pour eux de la chaleur, de la plénitude du contact physique. »
Voir aussi un aperçu de la vie sexuelles des sauvages, de Bronislaw Malinowski.
(extrait d'un article de Jean-François Gervet, paru dans la revue Sexpol n°17 : "Chez les AA")
« Je crois que je n'avais jamais vu des gosses aussi rayonnants, capables à ce point de regarder les adultes d'égal
à égal, sans soumission, sans « s'il te plaît », capables à la fois de jouer avec qui se présente et de ne pas
avoir après l'attitude « collante » des gosses toujours en manque d'amour et d'affection.
Mais tout ça n'est pas tombé du ciel. Les enfants AA sont entourés de tous les soins du groupe. Les mères s'occupent
beaucoup d'eux, dorment avec eux, leur donnent le sein aussi longtemps qu'ils le désirent - les gosses les plus vieux
nés dans la Commune ont maintenant trois ans et tètent encore. Ils vivent en groupe, toujours en contact avec des
adultes ; pendant les SD du soir, il y a toujours un moment où les enfants viennent danser au milieu du tapis.
Et, à ce moment, la plupart des communards rayonnent de joie et de fierté comme des heureux pères... »
Extrait de Nudité et pudeur : le mythe du processus de civilisation, de Hans Peter Duerr, Ed. maison des sciences de l'homme, Paris, 1999, chap12 : La sexualité des petits enfants, page 183.
« II semble pourtant qu'il en aille quelque peu différemment avec les
jeux, largement répandus dans les sociétés traditionnelles, auxquels les adultes
et les aînés des frères et sœurs se livrent avec le sexe des nourrissons et
des tout petits, jeux qui sont constamment appelés à la rescousse de la thèse
selon laquelle, dans ces sociétés, les « charmants bambins » ne sont pas regardés
comme des êtres sexués.
Il est certes exact que, de tout temps et un peu partout dans le monde, cela
a été une façon de calmer les petits enfants ou tout simplement de leur procurer
du plaisir. Que l'on pense seulement aux Bochimans !Ko qui, pour amuser les
tout petits. leur bécotent le sexe, le suçotent ou le mordillent tendrement,
ou aux Nya Hön du sud du Laos qui pincent le pénis des petits garçons pour les
taquiner. De la même façon, on a observé que les mères babouins prenaient souvent
le pénis de leurs petits entre leurs lèvres, provoquant aussitôt son raidissement.
Cependant, deux choses nous frappent.
D'abord, dans la plupart de ces sociétés, on stimule exclusivement les petits
garçons, pas les petites filles.
Ainsi, par exemple, chez les Cayapâ, est-il fréquent que les parents ou les
grands frères et sœurs portent les petits garçons au-dessus de leur tête et
prennent leur pénis entre leurs lèvres ; jamais rien de tel n'est fait avec
les petites filles.
Que l'on soit parfaitement conscient que ce faisant on stimule sexuellement
les enfants et qu'on veuille donc laisser la sexualité des petites filles «
au repos », c'est ce qui ressort des quelques rares cas où il en va autrement.
Chez les Fon du Dahomey, la mère, lorsqu'elle donne son bain quotidien à sa
fille, lui masse tendrement le clitoris, laisse courir un léger filet d'eau
sur sa vulve pendant une dizaine de minutes, tire sur les lèvres et lui caresse
l'anus. Ce procédé, qu'elle répète jusqu'à ce que la fillette atteigne l'âge
de quatre ans, a pour objectif d'empêcher que, plus tard, l'enfant ne connaisse
pas le plaisir, qu'elle devienne donc frigide et n'ait pas d'enfants.»
(*traduction : "ne me touche pas", parole attribuée à Jésus, s'adressant à la "pécheresse" Marie-Madeleine in L'évangile de Jean, chapitre 20, verset 17)
Citation de Freud in Totem et tabou, 1913 (éditions Gallimard,1993 p.115-6, 118-9) :
« L’interdiction principale de la névrose, celle qui constitue le noyau, est, comme dans le tabou, l’interdiction du toucher, d’où le nom de phobie du toucher, délire de toucher. L’interdiction ne s’applique pas seulement au fait de toucher directement avec le corps mais prend l’ampleur de l’expression figurée : entrer en contact avec. […] Par la psychanalyse nous connaissons tant l’histoire clinique que le mécanisme des cas de maladie de compulsion. Cette histoire est la suivante dans un cas typique de phobie du toucher : au tout début, dans la très petite enfance, se manifestait un intense désir de toucher dont le but était beaucoup plus spécialisé qu’on ne serait enclin à le penser. A ce désir ne tarda pas à s’opposer, de l’extérieur, une interdiction qui portait précisément sur l’attouchement [Note de Freud : désir et interdiction avaient tous deux trait à l’attouchement des organes génitaux]. L’interdiction fut acceptée parce qu’elle pouvait prendre appui sur d’importantes forces extérieures [Note de Freud : sur la relation aux personnes aimées par lesquelles l’interdiction avait été prononcée]. […] Le résultat de l’interdiction fut seulement de refouler la pulsion – le désir de toucher- et de la bannir dans l’inconscient. […] Une situation non réglée, une fixation psychique était créée et tout le reste découle, dès lors, du conflit persistant entre interdiction et pulsion. »
Voir aussi l'article "nouveau-nés"
de Roger Dadoun dans Cent fleurs pour Wilhelm Reich.
Autres références essentielles : Bien naître de Michel Odent, Pour
une naissance sans violence de Frederick Leboyer.
Sur la naissance,
lire le dossier paru dans le journal Fakir "Vie
ma vie de parturiente" (partie
1, partie
2).
Une façon beaucoup moins sympatique de toucher les enfants : les chatiment corporels : lire deux extraits de La peau et le toucher de Ashley Montagu.